Soins de premier recours : quelles dynamiques d’organisation sur les territoires ?

L’information au service des soins de proximité

Les soins de premier recours, socle du système de santé

Inégalités territoriales dans l’accès aux soins et répartition des professionnels de santé

Les soins de premier recours désignent l’ensemble des prises en charge accessibles en première intention : médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, sages-femmes, et bien d’autres professions encore. Ils sont le premier contact avec le système de santé pour une majorité de patients et jouent un rôle crucial dans le suivi, la prévention, l’orientation et la coordination des soins.

Dans ce cadre, la répartition géographique des professionnels, leur mode d’exercice, et leur capacité à travailler ensemble conditionnent fortement la qualité et la continuité des soins. Or, les inégalités territoriales se creusent : certaines zones rurales ou périurbaines peinent à maintenir une offre suffisante, alors que d’autres connaissent une forte concentration mais aussi une surcharge d’activité.

Les EHPAD, en tant qu’acteurs de la santé sur les territoires, sont directement concernés par cette organisation. Ils doivent pouvoir s’appuyer sur des professionnels de ville disponibles et coordonnés, notamment pour éviter les hospitalisations évitables, renforcer les prises en charge anticipées, et construire des parcours fluides pour leurs résidents. L’interaction entre EHPAD et soins de premier recours devient alors un axe stratégique de travail interprofessionnel.

Coopérations locales : vers de nouveaux modes d’exercice

Lien stratégique entre EHPAD et soins de premier recours pour améliorer les parcours de santé

Les coopérations interprofessionnelles ne sont pas une nouveauté, mais elles prennent aujourd’hui des formes renouvelées, plus structurées, plus territorialisées. Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP), les Centres de Santé ou encore les Équipes de Soins Primaires (ESP) sont autant de cadres qui permettent aux professionnels de s’organiser collectivement autour de projets de santé partagés.

Ces structures facilitent le partage d’information, la coordination des interventions, l’accueil des nouveaux professionnels, et le développement de missions populationnelles. Elles permettent également de mieux articuler les soins ambulatoires avec les autres secteurs, notamment les établissements médico-sociaux comme les EHPAD ou les structures de soins à domicile.

L’enjeu est ici d’inscrire ces coopérations dans une logique de territoire : quels besoins ? Quels acteurs en présence ? Quelles ressources disponibles ? Quels leviers d’action ? Une CPTS qui fonctionne bien est une structure qui s’appuie sur un diagnostic partagé, une gouvernance claire, et une volonté de coopération au service d’un projet de santé ancré localement.

Ces dynamiques, encore inégalement déployées, montrent que la coopération ne relève pas uniquement de la bonne volonté individuelle mais d’une structuration collective. Lorsqu’elle est accompagnée, dotée de moyens adaptés, et portée par les professionnels eux-mêmes, elle devient un puissant levier de transformation.

Innovations organisationnelles et nouvelles pratiques

Nouvelles formes de coopération interprofessionnelle en santé à l’échelle des territoires

Au-delà des structures formelles, on observe un foisonnement d’initiatives locales visant à améliorer l’organisation des soins primaires : protocoles de coopération, délégations de tâches, consultations avancées, usage coordonné du numérique, systèmes de régulation territoriale, intégration d’assistants médicaux, etc.

Ces innovations s’inscrivent dans une logique de simplification des parcours et de réponse adaptée aux besoins de santé. Elles reposent souvent sur une observation fine du terrain : files actives des professionnels, typologie des patients, flux entre ville et hôpital, interactions entre intervenants. Ce sont des solutions pragmatiques, pensées à l’échelle micro-territoriale, souvent avec peu de moyens mais beaucoup d’inventivité.

Dans certaines zones rurales, des professionnels se relaient pour assurer une présence médicale minimale, parfois en lien avec les EHPAD environnants. Dans d’autres, des infirmiers coordonnateurs appuient les équipes de ville pour construire des plans de soins partagés, éviter les ruptures, et fluidifier les transmissions. Ces initiatives permettent de maintenir une qualité de service tout en répondant à la raréfaction des ressources médicales.

Le numérique, bien que prometteur, reste un outil et non une fin. Il peut faciliter le partage d’informations, l’organisation des agendas, les échanges pluriprofessionnels, mais il suppose une interopérabilité des systèmes et un accompagnement à l’usage. Une messagerie sécurisée partagée ou une plateforme territoriale de coordination ne remplacera jamais la confiance entre les professionnels, mais peut l’appuyer si elle est bien intégrée.

Renforcer les capacités territoriales d’organisation

nitiatives locales pour maintenir l’accès aux soins en zones rurales malgré la pénurie médicale

Pour faire face à la complexité croissante des soins, les territoires doivent être dotés de capacités de pilotage et de coordination. Cela suppose de sortir d’une logique purement verticale pour reconnaître aux acteurs locaux une légitimité d’agir. Les contrats locaux de santé, les projets territoriaux de santé, les expérimentations dans le cadre de l’article 51 ou encore les dynamiques de démocratie en santé peuvent y contribuer.

Mais cette montée en puissance nécessite aussi de nouvelles compétences : ingénierie territoriale, animation de réseau, évaluation des actions, connaissance fine des données de santé, maîtrise des outils numériques. Les professionnels de santé ne peuvent pas être les seuls à porter cette charge organisationnelle. Le soutien des collectivités, des ARS, ou d’acteurs intermédiaires est indispensable.

Les EHPAD, de leur côté, ne sont plus des structures isolées mais des partenaires à part entière dans cette logique territoriale. Leur capacité à dialoguer avec les équipes de soins primaires, à s’insérer dans des dispositifs coordonnés, à participer à des actions populationnelles ou à des cellules territoriales de pilotage conditionne en partie leur efficacité future.

Il devient donc stratégique de renforcer les interfaces : créer des liens entre établissements et ville, fluidifier les relations avec les structures de coordination, intégrer les EHPAD dans les projets de santé territoriaux. C’est à cette condition que les territoires pourront bâtir des réponses cohérentes, intégrées, et adaptées aux besoins évolutifs de la population.

Ainsi, organiser les soins de premier recours à l’échelle des territoires ne peut plus être envisagé comme une mission périphérique. C’est au contraire un enjeu fondamental pour assurer l’accès aux soins, préserver la qualité des prises en charge, et garantir l’équité. C’est aussi un levier d’attractivité pour les professionnels, de reconnaissance pour les initiatives locales, et de transformation profonde du système de santé.